Jurisprudence sur la gestion des œuvres sociales et culturelles du C.S.E.

Les modalités de distribution des activités sociales et culturelles ne relèvent pas du bon vouloir du CSE. En tant que domaine de compétence, elles doivent être mises en œuvre de manière objective et adéquate.

Cass. soc. 3 avril 2024, n° 22-16.812

Dans son arrêt du 3 avril 2024, la Cour de cassation est venue affirmer pour la première fois que, s’il appartient au comité social et économique de définir ses actions en matière d’activités sociales et culturelles, l’ouverture du droit de l’ensemble des travailleurs de l’entreprise à en bénéficier ne saurait être subordonnée à une condition d’ancienneté.

Contexte de la saisine 

Face aux événements ayant mené à la décision judiciaire, un CSE a mis en place un délai d’attente de six mois avant que les nouveaux employés puissent bénéficier des activités sociales et culturelles offertes par l’entreprise, une pratique courante inscrite dans le règlement intérieur. Cette mesure, perçue comme instaurant une inégalité de traitement parmi les employés, a été portée devant les tribunaux.

Les juges de première instance ont estimé que cette disposition traitait équitablement tous les employés, appliquant sans distinction le même délai de carence à leur arrivée dans l’entreprise, sans discrimination ni violation des droits. Ils ont jugé que cette mesure était justifiée pour prévenir l’opportunisme, compte tenu de la générosité des avantages sociaux et culturels proposés. En conséquence, ils ont déclaré la décision du CSE conforme aux règles.

L’analyse de la cour de Cassation 

De manière concise, la Cour de cassation a infirmé le verdict des juges de première instance. Elle affirme que la décision du CSE d’accorder des avantages sociaux et culturels ne saurait légitimer une discrimination basée sur l’ancienneté des salariés.

Le CSE jouit d’une exclusivité en matière d’organisation des activités sociales et culturelles, lui permettant de fixer seul les critères d’attribution de ces avantages.

Néanmoins, cette prérogative est encadrée par une règle claire : les décisions du CSE ne doivent pas être entachées de discrimination. Les juges ont validé cette approche, reconnaissant la légitimité de l’action du CSE tant qu’elle ne transgresse aucun des critères discriminatoires énoncés à l’article L. 1132-1 du Code du travail.

Alors, quelle est la raison de cette décision ?

La Cour de cassation s’est simplement appuyée sur le principe fondamental permettant d’évaluer la légitimité d’une différence de traitement. En effet, pour être considérée comme juste, toute « différence » doit s’appuyer sur des critères objectifs et significatifs.

justice

Justice en pratique 

Il est concevable pour le CSE de limiter l’accès à certaines ASC exclusivement aux salariés parents de jeunes enfants, excluant de ce fait les autres. Toutefois, la question de l’ancienneté soulève davantage de débats. En effet, en matière d’équité, tous les employés devraient bénéficier d’un traitement uniforme. Cette observation avait été notée par les juges de première instance, qui n’en ont cependant pas tiré toutes les implications, selon la Cour de Cassation. La distinction basée sur la courte durée d’appartenance à l’entreprise semble remettre en question le sentiment d’appartenance à celle-ci.

Il est important de souligner que l’intégration de nouveaux membres ainsi que les départs ont un impact sur le budget du CSE, influençant généralement de manière positive le financement des activités sociales et culturelles. Chaque nouvelle recrue contribue effectivement à l’enrichissement du budget dédié aux œuvres sociales et culturelles. Dès lors, pourquoi les nouveaux arrivants ne jouiraient-ils pas des avantages des ASC, au moins pour cette raison financière ? Voici un argument « objectif » justifiant l’accès aux prestations, même sous l’angle économique. Même les périodes d’essai, quand elles ne mènent pas à une embauche définitive, participent à cette contribution durant le temps de leur réalisation effective.

Au sein du CSE désireux de moduler ses contributions aux employés récemment intégrés, qui influent moins sur la masse salariale tout en bénéficiant des activités proposées, il est crucial de ne pas baser l’éligibilité aux ASC uniquement sur l’ancienneté. Il convient plutôt d’associer cette éligibilité à divers critères, de réajuster les sommes allouées par avantage et de planifier les prises en charge progressivement, en veillant à appliquer ces directives de manière équitable à tous les employés, qu’ils soient nouvellement arrivés ou qu’ils aient une ancienneté plus significative.

Publié par Jérôme Stravianos

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